Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


lundi 14 avril 2008

Planètes rouges




Dans l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique, nous avions déjà connu le black-out avéré des présidentielles françaises, suivi du rodéo médiatique du Grenelle de l'Environnement; nous traversons le grand désert des candidats américains, du moins vu d'ici; de temps en temps, nous subissons la délinquance ouverte d'un ancien ministre, alors socialiste, de l'Éducation nationale, géochimiste soudain climatologue autoproclamé en quête de renommée, ergoter sur la responsabilité humaine d'un réchauffement qui, selon ses fraudes, resterait lui-même à prouver.
Voici qu'émerge, ici et là, chez nos prescripteurs d'opinion, un nouvel horizon verbal: il serait si tard, trop tard, que, à présent, le seul espoir qui nous serait permis serait celui de "l'adaptation" à la catastrophe, dont les premières annonces datent pourtant de 1850. Nous allons voir la notion d'adaptation envahir bientôt les commentaires et les discours dans nos contrées, jusqu' à rejoindre la dignité d'un concept scientifique que nos dirigeants — encore un mot sur lequel nous prendrons un jour le loisir de rêver — pourront ressasser à loisir, mais nous pouvons d'ores et déjà comprendre le tour magique du discours: en clair, à l'instar de
Google qui installe désormais ses immenses fermes informatiques, les plus grosses du monde, aux latitudes qui seront le moins touchées par le réchauffement, une minorité de privilégiés se partageront les zones les moins défavorables de la planète, laissant les autres à leurs déserts, leurs sécheresses, leurs guerres, leurs famines, et peut-être même les aidant, ouvertement ou non, à s'exterminer eux-mêmes. Après tout, il existe déjà beaucoup de déserts, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, aux USA, aux Amériques, en Australie, en Espagne et, avec, disons, trois ou quatre milliards d'hommes en moins, la Terre pourrait bien redevenir une sorte de paradis terrestre.
Nous lisions même dans
Le Monde des 13/14 avril 2008: "Mars pourrait constituer une base de repli, une sorte d'assurance-vie. À condition d'avoir terraformé la Planète rouge, opération qui consiste à la rendre habitable par l'homme [...] Complexe, terriblement coûteux, mais pas impossible". Gageons que la formidable aventure de la "terraformation" de Mars aura ses pionniers, puis ses ouvriers, et enfin ses bénéficiaires, bien différents selon les résultats. La Planète rouge ne sera probablement pas à l'abri de la lutte des classes.

PS. Rendons "terraformation" à Kim Stanley Robinson, auteur d'une trilogie sur la colonisation de Mars (Mars la rouge, Mars la verte, Mars la bleue), ce qu'illustre si bien la merveilleuse image, en frontispice, de notre planète sœur, oui c'est bien Mars que nous voyons là et, en cliquant sur l'image, comme sur toutes nos images d'ailleurs, vous la verrez encore mieux.

Image: © auteur non identifié, site
Guillaume de Saint-Pierre. Tous droits réservés.