Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


dimanche 23 septembre 2012

Yann Le Masson et Olga Poliakoff: Manifeste pour un cinéma parallèle (1961)


    Toujours en préparation de notre note prochaine sur le film de Jacques Panijel, Octobre à Paris (1962) voici un texte de Yann Le Masson et Olga Poliakoff, rédigé à l'occasion de J'ai huit ans et paru dans Positif n° 46 (juin 1962), est reproduit dans le coffret Kashima Paradise / Le cinéma de Yann Le Masson (éditions Montparnasse, 2 DVD) que nous avons chroniqué dans Yann Le Masson, caméra samouraï le 18 avril 2012.

     Manifeste pour un cinéma parallèle. — De jeunes réalisateurs, auteurs en particulier de J’ai 8 ans [Yann Le Masson et Olga Poliakoff], écrivent:

   Ce film est le premier d’une série que se propose de produire et de réaliser un groupe de jeunes techniciens de cinéma qui ont décidé d’aborder de front quelques sujets tabous, en France du moins, depuis bien longtemps.

    L’Algérie ou l’avortement, l’armée ou les communistes, les ouvriers ou le clergé, la sexualité ou les vieillards, autant de sujets qui heurteraient un conformisme béat et contre lesquels veille la Censure, la censure du pouvoir comme la censure de l’argent. Notre cinéma en est devenu le plus bête, le plus inoffensif et le plus craintif du monde.

    Les Resnais, les Marker, les Autant-Lara et autres cinéastes courageux doivent, pour voir leurs films distribués, choisir l’ambiguïté. Leurs secrètes intentions n’ont, c’est le moins que l’on puisse dire, aucune chance d’être comprises par le public. Et puis, y aura-t-il même quelque chose à comprendre?

    Veulent-ils, ces cinéastes, se jeter à l’eau et réaliser Les Statues meurent aussi, Cuba si, Morambong ou Tu ne tueras point? La répression, l’interdiction, s’abat. La victime est le seul juge légitime: le public.

    C’est à ce public de nous aider. Il doit protester, réclamer un spectacle qui ne désire pas seulement le distraire mais aussi lui dire la vérité.

    La production cinématographique est, en France, puissamment structurée. Depuis le Centre National de la Cinématographie jusqu’aux manitous de la distribution en passant par la Banque Nationale et les maisons de production, notre «moyen d’expression» passe par une série de laminoirs au bout desquels il se retrouve tel que l’a décidé le Prince.

    Nous ne voulons pas être laminés. Est-ce une prétention vaine? Oui, si nous agissons seuls. Avec le public, non. Un cinéma parallèle, qui répondrait à ces exigences, qu’il soutiendrait, quitte le domaine du rêve pour le domaine de la réalité des possibilités concrètes.

    La France de 1962 fourmille de petits organismes culturels: ciné-clubs, sections de comités d’entreprises, amicales, sections de syndicats, comités de défense, groupes, groupuscules et chapelles. Ces organismes sont privés. Ils sont libres, chez eux, de dire et voir ce que bon leur semble. Ils sont placés en dehors du circuit de l’argent, de l’étau du profit et échappent ainsi, ne serait-ce que partiellement, à ces contraintes qui étranglent la liberté d’expression.

    Nous faisons le pari:

    Nous n’avons ni argent, ni autorisation mais nous voulons faire un cinéma de vérité.
    Nous avons les compétences nécessaires.
    Le public nous donnera les idées et les moyens.
    Les spectateurs choisiront eux-mêmes les sujets. Ils nous écriront. Ils discuteront avec nous.
    S’ils le peuvent, ils nous apporteront une aide financière.
    

    Que dix mille spectateurs nous envoient chacun dix nouveaux francs, voilà pour nous la possibilité concrète de produire six films de court-métrage. Plus encore. Que cent organismes privés nous achètent chacun une copie de nos films et voilà ces films rendus PUBLICS, malgré tous les chiens de garde.

    Puisse ce premier film être la promesse de beaucoup d’autres. Ils seront ceux que vous voudrez que nous fassions.

    © Manifeste paru dans Positif n° 46, juin 1962. Photogramme: Yann Le Masson, Olga Poliakoff: J'ai huit ans (1961).

samedi 22 septembre 2012

Octobre à Paris (1962). Entretien avec Jacques Panijel, 2000




Nous publierons le 4 octobre prochain une note sur Octobre à Paris (1962), le film de Jacques Panijel décédé en 2010. Ce jour-là, en effet, les Éditions Montparnasse éditeront ce film en DVD, après sa récente sortie en salle. L'entretien ci-dessous avec l'auteur, réalisé par Jean-Philippe Renouard et Isabelle Saint-Saëns et publié par Vacarmes 13 été 2000, en est l'indispensable introduction.

Le tournage d’Octobre à Paris est entamé quelques semaines après la manifestation tragique du 17 octobre. Quelles circonstances amènent un chercheur scientifique à passer derrière la caméra?

D’abord comprenez que dans mes réponses, il y aura certainement beaucoup de subjectivité parce qu’il est vrai que je considère ne pas avoir été gâté par les militants, ni malheureusement et c’est plus important encore, par ce qu’on appelle les intellectuels.

Au matin du 17 octobre 1961, je suis averti par un camarade algérien que «quelque chose va se passer». Je n’en sais pas plus. Le soir même, il y avait une réunion du secrétariat du comité Audin que nous avions fondé deux ans plus tôt avec Pierre Vidal-Naquet après la mort du mathématicien Maurice Audin, torturé par les militaires. En traversant les Champs-Élysées, je découvre l’horreur: des centaines d’Algériens assis par terre entre deux rangées de flics en uniforme. J’ai parcouru un peu les Grands Boulevards puis me suis rendu à la réunion du comité. Nous militions alors comme nous pouvions — tracts, réunions, manifestations — pour faire connaître la réalité de la situation algérienne. Le Monde nous a soutenu énergiquement en publiant une souscription financière pour venir en aide au comité Audin. Nous avons ainsi réuni une somme d’argent conséquente.

Au lendemain du 17 octobre, j’ai proposé l’idée d’un film qui retracerait les événements... enfin ce qui s’était passé. Le comité a été d’accord à la condition que le film soit réalisé par un metteur en scène de renom. Je me suis donc mis en quête d’un cinéaste dont la réputation aurait protégé le film et qui aurait accepté de travailler avec les contacts dont nous disposions alors avec les représentants du FLN en France. Ainsi ai-je alerté plusieurs cinéastes français de la Nouvelle Vague; j’ai contacté de grands cinéastes étrangers. Il n’y a qu’Hollywood qui n’ait pas été mis au courant de notre démarche... (rires). Le silence fut assourdissant. Le seul qui ait réagi favorablement fut Jean Rouch. Mais il souhaitait une production légère. Ce que nous refusions car il s’agissait d’un événement majeur. Il fallait à tout prix tourner en 35 mm. Quelques années plus tard, interrogé par une revue de cinéma, François Truffaut expliquait: «La guerre d’Algérie, je regrette mais qu’est-ce que vous voulez que je dise là dessus, j’y connais rien. C’est comme si on me demandait de faire un film sur la déportation». Que répondre à cela?

J’ai donc proposé de réaliser le film moi-même. Mon expérience cinématographique se limitait à la coréalisation au côté de Jean-Paul Sassy de La peau et les os qui avait obtenu le Prix Jean Vigo l’année précédente. Je me suis lancé dans l’aventure avec le soutien de ma femme.

L’attitude frileuse des cinéastes français était-elle le lot des intellectuels plus largement?

Au commencement de la guerre, la grande majorité des intellectuels français croyait qu’il leur suffirait de dire qu’ils étaient contre la guerre. Ce n’est que peu à peu qu’ils ont pris conscience de la gravité de la situation. En 1961, on peut dire que l’ensemble des intellectuels, en particulier dans l’université, est horrifié. Dans le développement de la guerre d’Algérie, le 17 octobre est un événement tardif. Les Algériens des bidonvilles étaient depuis longtemps au cœur de la guerre que livrait en France le FLN aux "modérés" du MNA. Et puis ils s’alarmaient surtout du couvre-feu, véritable chasse au faciès décrétée par Maurice Papon. Cet événement a permis au FLN de mobiliser ceux des bidonvilles afin d’organiser une manifestation à Paris le 17 octobre. Ils furent au moins vingt mille, en comptant les femmes et les enfants, à s’y rendre. C’est le FLN qui avait organisé les différents parcours ainsi que le désarmement total des manifestants.

Concrètement comment le tournage est-il rendu possible alors que la guerre touche à sa fin?

Il faut d’abord citer le nom d’un type merveilleux: Jacques Huybrecht qui, d’ouvrier chez Renault, est devenu photographe professionnel. Je cherchais un opérateur et c’était son rêve. Il était communiste et a souhaité en parler d’abord à son secrétaire de cellule qui lui a répondu qu’un tel film porterait préjudice au parti. Quant à la fédération départementale, elle a évoqué une «pure provocation». Jacques m’a offert une grande partie de son temps libre pour tourner Octobre à Paris. Pour le montage, il n’y a pas eu de problème, le propriétaire est resté d’une discrétion absolue pendant cinq semaines. Enfin pour le développement de la pellicule, je connaissais un labo dont certains techniciens avaient manifesté leur opposition à la guerre. Honnêtement le seul risque était la saisie sur dénonciation.

Pour transporter le matériel sur les lieux de tournage, pour que les bidonvilles de Gennevilliers et Nanterre, le quartier de la Goutte-d’Or, nous soient ouverts, pour obtenir des témoignages de valeur, il nous a fallu l’accord et l’aide des responsables locaux du FLN. Ces derniers ont été jusqu’à proposer de financer un film à la gloire du Front. J’ai expliqué que je faisais partie du comité Audin, que nous n’étions pas strictement opposés au FLN mais que cela voulait dire quand même notre désaccord avec le réseau Jeanson. Nous n’étions pas des porteurs de valises, mais des militants républicains français exempts de souvenirs algériens et n’obéissant à aucun patriotisme.

À la Goutte-d’Or, même si le commissariat n’était pas loin, nous savions que personne ne nous dénoncerait. Qu’il y avait toujours à proximité un responsable du Front pour dire, non laissez, on les connaît. La surveillance était celle des gens du cru. Sur l’une des scènes, on entend l’hélicoptère de la police qui avait l’habitude de survoler le bidonville de Gennevilliers. On arrêtait de tourner et on planquait le matériel pour recommencer le lendemain.

La question majeure que pose Octobre à Paris est celle d’une reconstitution à chaud des événements.

C’est une question que le genre documentaire ne pose pas, celle de la morale de la fiction au sens large. J’ai tourné à partir de la fin 61 et pendant six mois dans les bidonvilles et à la Goutte-d’Or. Sachant ce qu’avaient été ces journées, il fallait que je les fasse revivre à l’intérieur même du bidonville.

Un autre point que je souhaitais absolument évoquer fut les interrogatoires par les harkis des habitants de la Goutte-d’Or. Car ce sont eux qui s’en chargeaient pour des raisons linguistiques évidentes. Dans la cave d’un bar de la rue de la Goutte-d’Or, ce sont eux qui organisaient les séances de torture pour faire avouer à des gens qui n’étaient pas forcément des militants, mais qui peu à peu avaient partagé les idées du FLN. Nous avons filmé l’entrée du lieu depuis un balcon situé en face.

Le plus difficile n’était-il pas de reconstituer la manifestation elle-même?

Le film est conçu comme une tragédie en trois actes: avant, pendant, après: l’organisation et le départ de la manifestation que nous avons pu reconstituer, la manifestation racontée par des photographies, et les témoignages filmés après la manifestation. J’ai cherché mais n’ai pas trouvé trace de films de la manifestation. Quant à moi, ce jour-là je n’avais même pas un appareil photo et n’imaginais pas l’affreux spectacle qui allait s’offrir à moi. J’imaginais qu’il y avait le risque de violences policières, mais ce que j’ai vu en fait, c’était des comportements dignes des nazis. Après, j’ai recherché des gens qui possédaient des photos, même non publiées, ou maquillées, ou volontairement détruites. Il faut évoquer là le nom d’Elie Kagan qui a été un type admirable. Il m’a laissé utiliser ses photos que j’ai rendues vivantes par le montage et les bancs-titres. Une musique concrète donne le sentiment que les cris montent de la foule, puis les victimes sont là dans le silence.

Par ailleurs, j’ai voulu montrer comment la décision s’était prise à l’intérieur de ce qu’on appelait une casemate, qui est l’équivalent d’une direction locale dans les mouvements résistants, comment étaient rapportées les instructions du Front. J’ai demandé à ceux qui avaient rapporté ces instructions au bidonville de Gennevilliers s’ils voulaient bien recommencer la scène qu’ils avaient vécue. On a tourné cela au petit matin. On a reconstitué la réunion de la cellule, les instructions qu’ils ont données d’emprunter tel ou tel chemin, d’emmener aussi les femmes et les enfants. L’ordre était surtout de ne pas apporter la moindre arme, même pas un caillou. Nous avons donc reconstitué la scène de la fouille des militants au départ du bidonville. Les instructions étaient de manifester pacifiquement, d’emprunter les trottoirs pour ne pas gêner la circulation. Bien sûr, les gens savaient qu’il y avait un risque. Ils avaient ordre de fuir si la police les chargeait. Mais surtout pas de bagarres, pas de coups. Il s’agissait vraiment de manifester pacifiquement. Des militants du FLN étaient utilisés comme serre-file. Ils écartaient les bras au bord des trottoirs pour éviter que la foule ne déborde sur la rue. Les familles nombreuses étaient dans la mesure du possible accompagnées d’un militant. Mais un militant au niveau d’un bidonville, ce n’est pas un temps complet, c’est un gars qui transmet les tracts, les instructions. Pas plus.

Concernant les exactions policières proprement dites, comment sont-elles suggérées dans Octobre à Paris?

Il fallait retrouver des hommes qui avaient échappé de justesse à la mort; retrouver des gens qui avaient été balancés à la Seine et s’en étaient sortis. Le film raconte le parcours d’un garçon qui a été «flanqué à la Seine», comme il le dit lui-même. Nous avons filmé le lieu où les flics l’ont balancé dans le fleuve et il raconte en voix off ce qui s’est passé, qu’il a attendu jusqu’à quatre heures du matin, de voir passer à nouveau des automobiles sur le pont pour sortir de sa cachette. «Ils m’ont matraqué, ils m’ont frappé à la tête, c’est pour cela que j’ai moins de cheveux. Après ils m’ont jeté dans la Seine». Nous avons cherché l’endroit où il s’est planqué, l’endroit est tel qu’il nous l’avait décrit, preuve qu’il ne mentait pas. Il y avait notamment un arbre sur lequel était cloué un panneau: «Interdit de jeter des ordures». Cet homme raconte aussi qu’on lui a tiré dessus. Il a été jeté à l’eau avec deux autres. «Mais moi je savais nager», conclut-il.

Que se passe-t-il une fois le film terminé? Y a-t-il des projections publiques ou la diffusion est-elle uniquement clandestine?

Il n’y a pas eu de projection de presse, j’ai simplement averti des amis journalistes que des projections avaient lieu tel jour à telle heure au Studio Bertrand en face de l’hôpital Necker. Une fois sur deux la police arrivait et embarquait la copie du film. Quand nous étions prévenu de la descente, nous projetions Le Sel de la terre, le beau film de Herbert Biberman. Octobre à Paris a été projeté au festival de Cannes en 1962, j’avais loué une salle de la rue d’Antibes. Le seul journal à s’en être fait l’écho fut Variety! Le grand journal de l’entertainment a évoqué en première page la projection d’un film interdit! Mais aucun journal parisien consacrant des pages au festival ne s’est fait l’écho de ces quelques projections. J’ai ensuite emmené le film à la Mostra de Venise où il fut à nouveau projeté quelques jours avant que les carabinieri ne ferment la salle. Enfin il m’est arrivé d’emmener Octobre à Paris dans des symposiums scientifiques; je projetais le film à la stupéfaction des participants. Quand les douaniers posaient des questions, je racontais qu’il s’agissait d’un film scientifique. En mai 68, le film sera à nouveau brièvement projeté dans une salle du Quartier latin, en alternance avec La Bataille d’Alger.

Pourquoi Octobre à Paris est-il invisible depuis?

Dès 1965, j’ai été contacté par des distributeurs. Mais le film ne possédait pas de visa. Le silence est alors retombé. Il faut attendre le procès de Maurice Papon à Bordeaux pour qu’un producteur courageux souhaite qu’Octobre à Paris soit vu du public. Mais ma condition était — et reste — de tourner un codicille qui détermine exactement que la répression du 17 octobre est l’archétype du «crime d’État». On parle beaucoup de secret d’État, d’affaire d’État, et curieusement pas de crime d’État qui à mon avis mérite une classification à part. Ce que je demandais était d’avoir la liberté de tourner une préface à Octobre à Paris pour tenter de définir ce qu’est — moralement et politiquement — un crime d’État. Généralement le crime d’État est commis par des individus à qui l’on a garanti l’innocence, qui sont relativement peu nombreux et possèdent un objectif très précis. Au fond, l’un des premiers crimes d’État est l’assassinat de César par des comploteurs qui s’emparent du pouvoir. Je souhaitais mettre en relation des événements qui ne sont qu’apparemment semblables, par exemple les procès staliniens ne constituent pas un crime d’État; ils rentrent dans une technique d’État, ce qui est autre chose, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas fondés sur un mensonge évident mais qu’ils font partie d’un roman politique entraîné par les staliniens et exportés dans tous les pays dépendants où il s’agissait de relier ces procès à une politique donnée.

En 1973, le film obtient enfin un visa de censure...

Grâce à la grève de la faim du cinéaste René Vautier, l’auteur de Avoir vingt ans dans les Aurès. On avait refusé un visa non commercial à Octobre à Paris qu’il cherchait à distribuer. Il protestait plus largement contre la censure d’État et militait pour l’avènement d’une commission de censure indépendante. Cette grève de la faim a été déterminante. Quand une commission de contrôle cinématographique fut enfin mise sur pied, son président a envoyé un télégramme à Vautier qui expliquait en substance: «La commission de contrôle cinématographique n’utilisera plus de critères politiques pour interdire ou accepter un film». Ce qui n’a pourtant pas plus facilité la diffusion de mon film. Et depuis le film dort dans un placard et j’en interdis toute projection.

Même les livres d’histoire oublient pour la plupart de mentionner le film quand ils évoquent la guerre d’Algérie...

Plus terrible encore... Au moment de l’affaire des sans-papiers de l’église Saint-Bernard, il y a eu une protestation émise par vingt-cinq ou trente jeunes gens du cinéma contre les atteintes aux droits de l’homme. Y a-t-il eu un seul d’entre eux pour avoir le vrai courage du cinéma qui aurait consisté à faire un long métrage sur ces événements? C’est ce que j’avais essayé de faire trente-cinq ans plus tôt. Et Le Monde publie alors un article qui dit à peu près: «Pour la première fois dans l’histoire du cinéma, les cinéastes montrent l’importance qu’ils ont pris dans le monde de la culture, de l’intelligence et de la citoyenneté en élevant une protestation solennelle contre le comportement de la police à l’occasion de la grève de la faim des sans-papiers de l’église Saint-Bernard». J’ai pris mon téléphone pour dire à la rédaction que je trouvais scandaleux — non pas l’article sur la protestation purement verbale des cinéastes en question, c’est très bien qu’ils aient fait cela — mais le fait que l’article en question passait sous silence le fait que, bien avant, un film vraiment clandestin et politique avait été réalisé dans ce pays... Je ne demandais pas de dire qu’Octobre à Paris est une date importante dans l’histoire du cinéma mais plutôt: «Comme il est arrivé pendant la guerre d’Algérie avec Octobre à Paris, il y a eu manifestation du cinéma en tant que tel...». Ils m’ont répondu qu’ils ne jugeaient pas cela utile. Conversation close.

© Illustration: Mustapha Boutadjine, Paris, 17 octobre 1961,  2001.

lundi 3 septembre 2012

Jean-Marie Straub et Danièle Huillet: tome 7 aux éditions Montparnasse




Les éditions Montparnasse continuent leur superbe édition intégrale des films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Le septième tome comprend huit titres, trois anciens longs ou moyens métrages et plusieurs des derniers tournés par Jean-Marie Straub seul, après la disparition en octobre 2006 de Danièle Huillet.

On se reportera ici à nos notes critiques sur les titres suivants:

• 1980-81. Trop tôt/Trop tard (Zu früh / Zu spät) tourné en France et en Égypte, sur des textes de Fredrich Engels et de Mahmoud Hussein, 100'.
• 1986. La mort d'Empédocle ou Quand le vert de la terre brillera à nouveau pour vous, première version de La Mort d'Empédocle de Friedrich Hölderlin, 132'.
• 1988. Noir Péché (Schwarze Sünde), troisième version de La Mort d'Empédocle de Friedrich Hölderlin, 40'.
• 2007. Le Genou d'Artémide, d'après La Belva, Dialogues avec Leucò de Cesare Pavese, 27'.
• 2008. Le streghe — Femmes entre elles, d'après Le streghe, Dialogues avec Leucò de Cesare Pavese, 20'.
• 2010. L'Inconsolable, d'après L'inconsolable, Dialogues avec Leucò de Cesare Pavese, 15'.
• 2010. Un héritier, d'après Au service de l'Allemagne de Maurice Barrès, suivi d'un entretien avec Jean-Marie Straub à propos de ce film.
• 2011. Chacals et Arabes, d'après Schakale und Araber de Franz Kafka, suivi d'un extrait d'un happening de Gilles Deleuze du 12 février 1973 à Vincennes sur cette nouvelle.

Ceux qui apprécient le cinéma des Straub, et ceux qui l'aimeront un jour trouveront dans le même dossier d'autres notes critiques et divers articles et entretiens invités.

© Photographie: Jean-Marie Straub à Rome, auteur inconnu, tous droits réservés.