Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


vendredi 24 mai 2013

Maurice Darmon: Frederick Wiseman / Chroniques américaines, PUR 2013


    J'ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon livre Frederick Wiseman / Chroniques américaines, publié aux Presses Universitaires de Rennes, dans la collection Le Spectaculaire Cinéma. Il est disponible dès le 23 mai dans toutes les librairies, qui peuvent également le commander rapidement, sa distribution étant assurée par Sodis / Gallimard. On le trouve dans les librairies en ligne et il peut être commandé chez l'éditeur, 396 pages, 20 euros.

    Né en 1930 à Boston (Massachusetts) et de formation juridique, Frederick Wiseman produit, réalise, prend le son et monte tous ses films. Au rythme d'une livraison par an depuis 1967, diffusée par les télévisions publiques, ses quarante opus, dont trente-cinq tournés dans seize États différents et plusieurs lieux de présence américaine, constituent un long film de cent heures sur l'évolution des États-Unis, institutions et lieux de pouvoir, de loisir et de consommation, dans les soixante dernières années. Leur étude aura nécessité l'analyse des conditions économiques, historiques, sociales et esthétiques de leur production.

    Dès Titicut Follies (1967), interdit durant vingt-six ans, sa méthode est simple et inchangée: ni interviews, ni commentaires off, ni musiques additionnelles, une immersion dans le milieu jusqu'à l'effacement. Il accumule ainsi des centaines d'heures de tournage en quelques semaines, dont il monte le dixième en plusieurs mois, pour des films souvent très longs et d'une construction narrative soutenue. Cette constante ne doit pas cacher l'essentiel que seule l'approche strictement chronologique met en évidence: Frederick Wiseman poursuit un itinéraire raisonné.

    Après une décennie planifiée de formation où il pénètre les grandes institutions américaines (hôpitaux, lycées, prétoires, bureaux d'aide sociale, monastère, armée, laboratoire de recherches médicales), il s'oriente vers les sociétés privées (agence de mannequins, usine par exemple). Dans les mêmes années, il suit l'armée à Panama, dans le Sinaï et en République Fédérale Allemande, trois lieux névralgiques de la présence américaine. Ensuite, avec la conquête de la couleur, il défie l'étroitesse de la critique militante par l'observation sans a priori des classes possédantes (magasin huppé, champ de courses, station de ski), tout en conférant à ses films leur durée intérieure et l'horizon de vastes communautés humaines. Parallèlement, son attention à la mise en scène de la vie quotidienne, à ses acteurs et sujets tenant leur partie à l'instar de personnages de Beckett, parvient à s'émanciper de son amour pour les plateaux de théâtre et de danse. Singulièrement à Paris où il a signé diverses mises en scène et tourné quatre films, tous de scènes.

    Vérité enregistrée et fiction construite se fondent en un cinéma exigeant, contradictoire, respectueux des intérêts, ambiguïtés et oppositions de chacun, qui met le spectateur devant son civisme, ses valeurs et ses choix. Se sachant dépassé par ce qui advient devant sa caméra et sa perche, Frederick Wiseman s'instruit ainsi de ceux qu'ils filment, laisse vivre au fil du temps les moments faibles, les corps, les gestes et les silences.

    Il est très simple de voir des films de Frederick Wiseman en France. La Bibliothèque Publique d'information du centre Georges-Pompidou possède la plupart de ses titres, et les transmet aisément aux services de prêt des médiathèques en régions, quand ils ne les possèdent pas déjà dans leurs collections.

    Ouvert ici depuis de nombreuses années, notre dossier Pour Frederick Wiseman offre de nombreux entretiens, articles, documents et informations sur le cinéaste. Les affiliés à Facebook pourront également consulter notre page Frederick Wiseman / Chroniques américaines, constituée en attente de notre livre. Bonne lecture et surtout beaux films.